Les Regroupements de Tribunaux de L'Ontario : « Plusieurs Y Assistent, mais peu comprennent »
(mes excuses à Leo Durocher)
Les six minutes de l'avocat en droit administratif 2014
Michael Gottheil, président exécutif
Tribunaux de justice sociale de l'Ontario
Le Barreau du Haut-Canada. 20 mars 2014. Toronto, Ontario
Partie I : Introduction aux regroupements
a) Qu'est-ce que le regroupement?
- Le regroupement permet de rassembler un groupe particulier de tribunaux décisionnels au sein d'une seule organisation tout en maintenant la compétence légale et les membres de chaque tribunal.
- Le regroupement est une tendance que l'on observe dans un certain nombre de juridictions à travers le monde (Québec, Australie, Nouvelle-Zélande, Royaume-Uni). Cette approche vise la restructuration du secteur des tribunaux décisionnels, quoique, à ce jour, il s'agisse d'une approche unique à l'Ontario.
- Aux termes de la Loi de 2009 sur la responsabilisation et la gouvernance des tribunaux décisionnels et les nominations à ces tribunaux (« LRGTDNT »), le gouvernement peut désigner un groupe lorsque :
« ... les questions dont traitent les tribunaux sont telles qu’ils peuvent fonctionner de manière plus efficace et efficiente comme membres d’un groupe qu’isolément. » (art. 15)
- Les groupements sont constitués par règlement en application de la LRGTDNT. La loi constitutive de chaque tribunal constituant n'est pas modifiée.
- Conformément à la LRGTDNT, le gouvernement doit nommer un président exécutif qui a tous les pouvoirs ainsi que toutes les obligations et responsabilités des présidents de chaque tribunal constituant.
- Le gouvernement peut nommer un président associé pour chacun des tribunaux constituants.
- Le président exécutif peut déléguer l’une quelconque de ses responsabilités à un président associé ou à un vice-président, à l’exception de celles que lui attribue la Loi à titre de responsable de l’éthique.
- Outre ce cadre légal modeste et la directive selon laquelle la désignation d’un groupe a pour but de traiter les questions « de manière plus efficace et efficiente », aucun objectif législatif ou de politique n'a été
formulé pour préciser comment les groupes doivent être organisés, ni les initiatives qu'ils doivent poursuivre en particulier. D'aucuns ont donc considéré le regroupement comme un exercice d'évolution ou de transformation
organique, permettant à chaque groupe de se développer selon ce qui répond le mieux aux besoins de ses communautés d'utilisateurs respectives et aux mandats de ses tribunaux constituants. Les incertitudes inhérentes au
regroupement peuvent sembler déroutantes, voire intimidantes, mais ce modèle a la capacité d'appuyer des approches innovatrices pour l’administration de la justice.
b) Les regroupements formés à ce jour
- Tribunaux de l'environnement et de l'aménagement du territoire Ontario (TriO)
- Commission de révision de l'évaluation foncière
- Commission de négociation
- Commission des biens culturels
- Tribunal de l'environnement
- Commission des affaires municipales de l'Ontario
- Tribunaux de justice sociale Ontario (TJSO)
- Commission de révision des services à l'enfance et à la famille
- Commission de révision des placements sous garde
- Tribunal des droits de la personne de l'Ontario
- Commission de la location immobilière
- Tribunaux de l'enfance en difficulté de l'Ontario
- Tribunal de l'aide sociale
- Tribunaux de la sécurité, des appels en matière de permis et des normes Ontario (Tribunaux SAPNO)
- Commission d'étude des soins aux animaux
- Commission de la sécurité-incendie
- Tribunal d'appel en matière de permis
- Commission civile de l'Ontario sur la police
- Commission ontarienne des libérations conditionnelles
Tous les tribunaux ont été « migrés » au ministère du Procureur général et les groupes « rendent des comptes »
par l’entremise de la Division des politiques et des tribunaux décisionnels du MPG.
Ensemble, les trois groupes sont responsables de l'application de plus de 140 lois et reçoivent environ 160 000
demandes et appels tous les ans. Par contraste, la Cour supérieure de justice de l'Ontario reçoit 95 000 nouvelles causes
par année et la Cour des petites créances reçoit 45 000 causes chaque année.
c) Le regroupement afin de moderniser la justice
Pourquoi former des regroupements?
Principes et possibilités
Tribunaux individuels |
Groupes |
Fusion |
Spécialistes
Insulaires
Près des intervenants
Charge de travail inégale
Ressources inégales
Fragmentation
|
Interdisciplinaires
Interreliés
Relations équilibrées
Affectations stratégiques
Allocation stratégique
Cohérence (?)
|
Généralistes
Perte d'identité
Déconnectés
Dilution
Bureaucratiques
Goliath
|
d) Défis
- Définir une vision qui interpelle les différents acteurs, tant à l'interne qu'à l'externe.
- Instaurer la confiance chez les utilisateurs.
- S'assurer que tous les intervenants maintiennent le cap, même lorsqu'il n'y a pas de feuille de route et pas de destination précise.
- Capacité du gouvernement de mettre en oeuvre le regroupement des services et la technologie de l’information (TI).
Partie II : Les TJSO – Trois ans plus tard
a) Introduction
Les TJSO ont été désignés comme groupe au début 2011.
Lorsqu'ils ont été désignés, les TJSO avaient environ ce qui suit :
- Un budget de 48 M$.
- 350 employés, 90 arbitres à temps plein et 100 arbitres à temps partiel.
- 97 000 causes par année.
- Cinq unités de gestion des cas et d'administration séparées, ce qui comprenait quatre directeurs et cinq greffiers.
b) Économies réalisées
Réduction des crédits budgétaires de 5 %.
Réduction des équivalents temps plein (ETP) de 10 %.
Augmentation du nombre de cas de 5 %.
Aucun travail en attente.
Regroupement des services initial : quatre tribunaux sur sept.
Partage des centres d'audience de Toronto, Hamilton, London et Ottawa.
Consolidation de la structure de gestion.
Réduction du nombre de directeurs, de greffiers et d'unités de gestion des cas.
Consolidation des services juridiques et généraux.
c) Réalisations à ce jour
Unité du développement professionnel pour l'ensemble du groupe
- Institut de développement professionnel annuel pour 200 arbitres (à temps plein et à temps partiel) et médiateurs.
- Nouveaux modules de formation propres aux tribunaux qui portent, entre autres, sur les compétences essentielles.
- Développement de modules de formation sur les droits de la personne, la rédaction de décisions, la preuve et l'évaluation de la crédibilité. Ces modules peuvent être offerts en personne et en ligne.
- Appuie également la formation du personnel et la formation pour des initiatives particulières.
- Utilisation stratégique des autres formations de développement professionnel, comme les formations offertes par SOAR, le Conseil des tribunaux administratifs canadiens (CTAC), l'Association du Barreau de l'Ontario (ABO) et l'Institut canadien d'administration de la justice (ICAJ).
Nominations conjointes
- 10 % des membres des TJSO font présentement l'objet de nominations conjointes.
- Nominations conjointes précises, stratégiques et délibérées – afin d'augmenter l'expertise et non de la diluer.
- Façon de soutenir le développement professionnel, la couverture régionale, la fluctuation de la charge de travail et la dimension interdisciplinaire du mandat collectif des TJSO.
Réalisations sur le plan juridique
- Tous les tribunaux ont maintenant accès à une unité juridique experte à l'interne.
- Aide à établir une jurisprudence cohérente, appuie l'expertise des tribunaux.
Réalisations sur le plan des communications
- Site Web consolidé : facilite l'accès à l'information et aux services.
- Coordination des ressources, des politiques et de l'approche en ce qui concerne la gestion des questions d'intérêt, l'accès à l'information et la protection de la vie privée, les plaintes ainsi que l'accessibilité et les aménagements.
- Consolidation du rapport annuel, de la planification des activités, de la gestion budgétaire et de la reddition de comptes à cet égard ainsi que de la planification opérationnelle et de la reddition de comptes à ce sujet.
Réalisations en ce qui concerne les relations avec les intervenants
- La position du président exécutif permet une participation active et transparente avec les intervenants gouvernementaux, du secteur de la justice et des collectivités.
- P. ex. établissement d’un groupe de travail entre le Tribunal de l'aide sociale (TAS), le ministère des Services sociaux et communautaires (MSSC) et les cliniques communautaires pour travailler sur les améliorations à apporter aux procédures dans le cadre des affaires d'assistance sociale.
Capacité d'innover
- Les gains d'efficacité et les économies d'échelle permettent l'élaboration de modèles de soutien pour les services juridiques, le développement professionnel, la reddition de compte et le contrôle ainsi que les communications.
- Permet de piloter des projets et de mettre sur pied des projets innovateurs, comme les suivants :
- Division des enfants et des jeunes
- Accélération de la mise au rôle à la Commission de la location immobilière (CLI)
- Conférences préparatoires à l'audience à la CLI
- Litiges relatifs aux coopératives d'habitation
- Projet pilote du TAS sur l'étude des dossiers médicaux
d) Leçons apprises : À privilégier et à éviter
À privilégier
- Faire place à l'efficience
- Définir une vision
- Regrouper les services
- Bâtir les capacités et la confiance
- Mettre l'accent sur les résultats – se concentrer sur ce qui est important
À éviter
- Avoir des attentes trop élevées à court terme